Les victimes d’accident ayant occasionné des dommages corporels (accident de la route, accident de la vie, accident médical…) se trouvent souvent démunies face aux démarches administratives et parfois judiciaires à accomplir à la suite de l’accident qu’elles ont subi.
La santé de la victime apparaissant logiquement comme la priorité, ces démarches sont même parfois négligées au détriment de la sauvegarde de ses droits.
Il existe pourtant quelques réflexes à adopter afin d’éviter de tomber dans les pièges susceptibles d’entraver l’indemnisation complète des préjudices subis par la victime.
Puis-je faire confiance à ma compagnie d’assurance ?
Dans le cadre des accidents de la route, c’est la loi du 5 juillet 1985 dite Loi Badinter qui règlemente l’indemnisation selon une procédure simplifiée dans l’intérêt des victimes.
Néanmoins, cette loi confie le sort de la victime entre les mains des compagnies d’assurance qui négocient entre elles selon un processus qui échappe à la victime de l’accident.
Pour les dommages corporels moyens ou graves, c’est la compagnie d’assurance de responsabilité civile de la victime qui peut être amenée à transiger l’indemnisation avec l’assureur de l’autre conducteur impliqué dans l’accident.
Pour les blessures plus légères, c’est l’assureur de la victime qui indemnisera.
Chaque compagnie d’assurance exerce donc, à tour de rôle, selon les accidents, le rôle de régleur ou de représentant des victimes.
Pour faire face à cette situation, les assureurs ont signé entre eux des conventions qui leur permettent d’éviter les contentieux et de limiter leurs dépenses.
Les compagnies d’assurance sont avant tout des entreprises privées qui doivent répondre aux intérêts de leurs actionnaires.
Il peut donc exister un rapport d’antagonisme entre les intérêts de ces compagnies, qui peuvent logiquement reposer sur des considérations de rentabilité et les intérêts des victimes, lesquelles sont en droit d’attendre une juste indemnisation.
Il est donc préférable de se montrer vigilant lors des différentes étapes de la procédure d’indemnisation.
Ainsi, il est parfois permis de douter de l’indépendance de certains professionnels participant au processus d’indemnisation amiable.
En effet, certains d’entre eux vont être tentés de minimiser l’évaluation des postes de préjudices subis par la victime dans le but de satisfaire la compagnie qui les mandate et ce, dans l’espoir de recevoir plus de missions.
Force est également de constater qu’un certain nombre de médecins-experts font partie d’association de médecins-conseils de compagnies d’assurance, lesquelles militent ouvertement pour l’instauration de barèmes moins favorables aux victimes que ceux appliqués par les Tribunaux.
La seule adhésion à une telle association reflète donc d’emblée un parti pris de l’expert contraire aux intérêts de la victime, laquelle peut alors légitimement s’interroger sur l’impartialité de ce dernier.
De même, lorsqu’une victime refuse les conclusions de l’expert amiable mandaté par la ou les compagnies d’assurance et qu’elle décide de saisir la Justice aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire, il est très fréquent de voir l’expert initialement désigné venir défendre les intérêts de la compagnie d’assurance dans le cadre de l’expertise judiciaire.
Cet expert pourra toujours prétendre qu’il vient défendre son analyse du dossier, il n’en demeure pas moins qu’il sera légitime pour la victime de penser qu’il défendait les intérêts de la compagnie dès le départ…
En ce qui concerne les accidents de la vie, lorsque la victime bénéficie d’une garantie auprès d’une compagnie d’assurance, cette dernière sera également amenée à mandater des experts qui travaillent avant tout pour le compte de la compagnie.
Par conséquent, il convient de se montrer prudent et de se faire assister par des acteurs totalement indépendants des compagnies d’assurance et dont la préoccupation sera exclusivement celle de la défense des intérêts de la victime.
Par qui dois-je me faire accompagner ?
La procédure d’indemnisation des dommages corporels subis à la suite d’un accident passe nécessairement par une phase expertale.
Qu’elle soit amiable ou judiciaire, la victime doit impérativement se faire assister lors de l’expertise par un médecin-conseil de victimes, dont le rôle sera de veiller à la juste évaluation des postes de préjudices qu’elle a subis, selon le barème du concours médical utilisé par les experts.
Une fois que l’évaluation « technique » aura été effectuée par le médecin mandaté par la compagnie d’assurance et le médecin conseil de victimes, il conviendra de chiffrer concrètement l’indemnisation de chaque poste de préjudices.
Pour ce faire, les compagnies d’assurances utilisent des barèmes qui sont souvent obsolètes et peu favorables aux victimes.
Les Tribunaux utilisent quant à eux, dans leur grande majorité, un référentiel indicatif rédigé par des magistrats et/ou des barèmes publiés par la revue « la Gazette du palais » qui sont les plus favorables aux victimes.
Il est donc indispensable de confier cette phase d’indemnisation à un Conseil spécialisé tel qu’un avocat qui connaît parfaitement ces barèmes et l’interprétation qu’en font les Tribunaux.
Quels sont les délais pour agir ?
En matière d’accident de la circulation, le délai pour agir en Justice est assez long puisqu’il est de 10 ans à compter de la consolidation médico-légale.
En revanche, s’il s’agit de mobiliser une garantie contractuelle comme une garantie conducteur, une garantie accident de la vie ou une garantie adossée à un crédit immobilier, il convient de se montrer très vigilant car le délai de prescription n’est que de 2 ans à compter de la consolidation médico-légale.
A l’expiration de ce délai biennal, la victime perd la possibilité de faire valoir ses droits en Justice à l’encontre de la compagnie d’assurance qui n’hésitera pas à se prévaloir de la prescription pour opposer un refus de garantie.
Qu’est-ce que la consolidation médico-légale ?
La consolidation médico-légale correspond au « moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif » (définition donnée par le groupe de travail Dintilhac).
Ainsi, avant la date de consolidation, il ne peut pas y avoir d’indemnisation définitive des préjudices subis par la victime.
La consolidation est prononcée par le médecin expert dès lors que cette dernière n’est plus hospitalisée ou en rééducation.
Mais l’expert peut aussi la reporter en considérant qu’il n’est pas assez pas informé sur l’évolution possible de l’état du patient.
Dans le cas de blessures graves et de séquelles lourdes, l’intérêt des compagnies d’assurance est de voir fixer la consolidation le plus tardivement possible dans l’espoir que l’état de la victime puisse s’améliorer et donc que l’indemnisation leur coûte moins cher.
En effet, même lorsque la médecine ne peut plus rien, le corps s’habitue progressivement au handicap et le compense.
Par conséquent, l’intérêt des victimes est d’être consolidées sans attendre cette adaptation au handicap.
C’est le rôle de l’avocat et du médecin conseil de veiller à ce que la date de consolidation ne soit pas retardée de manière injustifiée.
Faut-il porter plainte à la suite d’un accident de la route ?
Après un grave accident de la circulation, une enquête de police ou de gendarmerie est systématiquement ouverte par le Procureur de la République.
Par conséquent, il est toujours préférable pour la victime de porter plainte afin d’être informée du suivi de l’enquête.
Si l’auteur de l’infraction est renvoyé devant une juridiction de jugement, la victime sera ainsi avisée et pourra faire valoir ses droits ainsi que ceux de ses proches devant ladite juridiction.
Quels sont les préjudices qui sont indemnisés ?
Le principe en matière de responsabilité civile est celui de la réparation intégrale du préjudice.
Cela signifie que le préjudice de la victime doit être réparé « sans perte ni profit. »
« Sans profit » signifie que l’indemnité ne doit pas « enrichir » la victime, c’est-à-dire réparer plus que le préjudice réellement subi. A l’inverse, « sans perte » signifie que la victime ne doit pas s’appauvrir en recevant une indemnité qui ne répare pas l’intégralité de son préjudice.
« Tout le préjudice, rien que le préjudice. »
L’appréciation de ce principe est parfois âprement débattue en expertise lorsque certains experts tentent par exemple de mesurer le retentissement psychologique qu’a pu avoir un accident selon un standard abstrait, c’est-à-dire en considération d’un type de séquelles habituellement provoquées par un type d’accident ou un type de lésion.
Or, le droit positif exige que l’appréciation du préjudice soit faite « in concreto » et non au regard d’un standard abstrait. Cela signifie que l’expert doit prendre en considération les répercussions concrètes qu’a eu l’accident sur la victime qu’il examine et non selon ce qui lui paraît raisonnable d’attendre en termes de conséquences dommageables.
Certaines victime se remettent, parfois, très vite de traumatismes physiques ou psychologiques tandis que d’autres vont développer des syndromes dépressifs graves à tel point que leur vie va être complètement anéantie par l’accident.
Nous ne sommes pas tous égaux face à la gestion des conséquences d’un dommage corporel.
C’est la raison pour laquelle, il est impératif d’apprécier individuellement la situation de chaque victime et ce, afin de garantir l’indemnisation la plus adaptée à sa situation.
La nomenclature Dintilhac prévoit l’indemnisation de deux grandes catégories de préjudices : les préjudices patrimoniaux et les préjudices extra-patrimoniaux.
Les préjudices patrimoniaux englobent divers postes comme les dépenses de santé, les pertes de gains professionnels, le préjudice scolaire universitaire ou de formation, les dépenses de santé futures, l’incidence professionnelle, les dépenses consécutives à la réduction d’autonomie (frais de logement adaptés, frais de véhicules adaptés et assistance par tierce personne)
Les préjudices extra-patrimoniaux englobent quant à eux des postes tels que les souffrances endurées, le préjudice d’angoisse de mort imminente, le déficit fonctionnel permanent (séquelles définitives) les préjudices esthétiques, les préjudices sexuels, etc.
Vaut-il mieux transiger ou saisir la Justice ?
Tout dépend du souhait de la victime.
Si cette dernière est désireuse de vite tourner la page de l’accident, il sera préférable pour elle de transiger avec la compagnie d’assurance qui aura tendance à lui plus proposer une indemnisation bien plus basse que celle qu’elle aurait obtenue devant les Tribunaux. C’est le prix de la célérité…
En revanche, si la victime souhaite obtenir une juste indemnisation et des garanties pour son avenir, la voie judiciaire reste incontestablement la plus sûre malgré les aléas et les lenteurs de la Justice.
Les sommes accordées par un Tribunal sont en général plus importantes que celles obtenues dans une transaction avec la compagnie d’assurance.